Ce pastiche pourrait porter en sous-titre (ah ! ces psys...) « l'angoisse de castration chez Cyrano de Bergerac ». Résultant d'un croisement avec la célèbre tirade de ce bon vieux Don Diègue, père du Cid, il constitue une sorte d'hybridation entre le héros d'Edmond Rostand et celui de Pierre Corneille.
Cyrano a, pour l'amour de Roxane, accepté bien à contrecœur une intervention de chirurgie esthétique sur son nez...
Ô chambre ! ô vieux crachoir ! ô compresse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour ce bistouri ?
Et ne suis-je nommé "Cyrano, nez altier"
Que pour voir en un jour mon organe amputé ?
Mon nez qu'avec effroi ma mère vit grandir,
Mon nez, qui pour camus fait passer les tapirs,
Qui tant de fois trouva les truffes dans les bois,
Est tranché par ma belle, à mon grand désarroi !
Ô Dalila cruelle, et moi Samson dompté !
Appendice nasal en une nuit rasé !
Esthétique damnée fatale à mon bonheur !
Sacrifice imposé d'un membre pavaneur !
Faut-il, mon iceberg, voir s’accomplir ta fonte,
Et, châtré du tarin, survivre dans la honte ?
Belle, sois de ma face à présent le sculpteur.
Ce visage, tu veux l’approcher sans horreur ;
D’affreux petit canard tu veux me rendre cygne,
Malgré mon choix narquois d'un long nez comme insigne !
Et toi, de mon gros pif précieux adjuvant,
D'un blair si dégueulasse ôtant les filaments,
Mouchoir tout plein de morve, et qui, dans ma prestance,
Décorait d’un drapeau ma trompe sans défenses,
Va, quitte désormais le dernier des tarins,
Chasse donc ton mucus dans la fosse à purin !
© Jean-Jacques Pinto, 2012
Les rimes de mon illustre prédécesseur ont été, comme dans chacun de mes pastiches, scrupuleusement respectées...