Jean Coquelin, le fils de Constant dit l'Aîné, raconte dans un interview parue en 1931, et reprise par Robert de Mauplan dans l'Illustration du 28 janvier 1939, la rencontre entre son père et Edmond Rostand.
« Nous étions alors les pensionnaires mon père et moi de Madame Sarah Bernhardt, au théâtre de la Renaissance. A ses côtés, nous avions interprétés
Amphitryon.Elle incarnait Alcmène, Lucien Guitry était Jupiter, Abel Deval Amphitryon. Mon père jouait Sosie et moi Mercure. Un matin, mon père reçut un billet de sa grande amie. Edmond Rostand, qui n'était alors qu'un très jeune poète, de très grand talent ? il avait déjà fait jouer
Les romanesques ? lisait le jour même
La princesse lointaine à ses interprètes. Et elle conviait mon père à assister à cette lecture d'une oeuvre qu'elle affirmait admirable.
Viens, ajoutait-elle, tu ne regretteras pas ton après-midi. Nous nous rendîmes à son invitation et nous eûmes tôt fait de partager son enthousiasme. En sortant de là, mon père, très emballé et qui, je crois, parlait à Rostand pour la première fois, lui dit :
Faites-moi un rôle, et je le jouerai quand vous voudrez, où vous voudrez.
C'est ce jour-là que le poète lui exposa la première idée de son chef-d'oeuvre futur.
Bientôt,
Cyrano fut en tiers dans toutes leurs conversation. L'oeuvre prenait corps avec une rapidité prodigieuse. La facilité de travail d'Edmond Rostand tient du miracle. Je me rappelle qu'un jour, en déjeunant dans la villa où il villégiaturait avec sa femme et ses enfants à Boissy-Saint-Léger, le poète nous conta toute une scène qu'il avait dans la tête, celle du troisième acte, entre De Guiche et Cyrano, la scène du voyage dans la lune. Quand nous revînmes dîner le soir, la scène était écrite, elle avait 250 vers ! »