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Souvenirs d'un Cadet de Gascogne

Vincent Vial était sur la scène du Français en 1938

Vincent Vial est un adolescent de 86 ans qui grimpe allègrement les cinq étages de son immeuble pour accéder à son appartement au balcon ensoleillé et qui, si vous le mettez au défi, sera ravi de vous montrer comment il se met en position du poirier !

Mais, pour nous, sa principale qualité est d'avoir été un Cadet de Gascogne... en 1938, au côté d'André Brunot qui créait alors Cyrano à la Comédie Française.

Récit de quelques uns de ses souvenirs.



J'avais 17 ou 18 ans, j'allais entrer au Conservatoire et je traînais avec les copains dans tous les théâtres. Un jour, une amie, Gisèle Casadessus, qui commençait une belle carrière, me demanda : « Qu'est-ce que je pourrai faire pour toi ? » Ma réponse ne tarda pas : « Me présenter à la Comédie-Française pour y faire de la figuration ! »

Quelques jours plus tard, grâce à elle, je rencontrais Monsieur Jans, alors chef de la figuration. « Ca tombe bien, il reste quelques Cadets à distribuer pour Cyrano. Descend essayer ton costume ! ». Et c'est ainsi que j'allais faire la connaissance de futurs grands artistes, tels Jacques Charron, Alain Cuny, Serge Reggiani, Mouloudji, André Reybaz, et aussi Alain Vian, le frère de Boris, et encore Robert Bazile qui est resté mon ami jusqu'à aujourd'hui... Tous figurants comme moi ! Nous étions vingt-cinq environ, et tous ravis de nous retrouver sur cette scène prestigieuse, et de gagner nos 20 francs par représentation, et même nos 25 lorsque nous avions au moins une réplique à lancer...

Deux costumes pour un Cadet
J'étais souvent été au 1er acte, en tire-laine, mais c'est en Cadet que nous nous amusions le plus ! Nous dispositions chacun de deux costumes, un tout beau, tout neuf, pour l'acte II, et le même, mais en version usagée et salie, pour le IVè. N'oublions pas en effet que lorsqu'on retrouve les Cadets devant Arras, cela fait déjà trois mois que Nous assiégeons Arras - nous mêmes, pris au piège. Nos costumes devaient donc paraître aussi fatigués que nous !

A la fin de l'acte, deux vagues de Cadets partaient à l'assaut des Espagnols. Nous nous jetions dans la bataille une première fois puis, sortis de scène, on dévalait un escalier, traversions le sous-sol, pour remonter à toute vitesse et surgir de l'autre côté pour la deuxième vague !

Je me souviens d'une représentation où je retrouve Jacques Charron étendu à côté de moi. Je lui murmure « Qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne devrai pas être mort ! » Et lui de m'expliquer : « Tu as déchiré mon pantalon avec ton épée ! Tu ne veux pas que je continue la bataille en caleçon quand même ! »

Qu'elle était belle l'arrivée de Roxane dans son carrosse tiré par deux chevaux blancs ! On disposait des paillassons sur leur parcours au cas où ces braves bêtes auraient eu quelque crottin à distribuer ! Dès qu'ils étaient harnachés en coulisses, leur palefreniers enfilaient à toute vitesse un costume de Cadet pour entrer en scène avec leur chevaux... La Comédie Française voyait grand à l'époque... Cette tradition a été respectée jusqu'aux représentations avec Jean Piat dans les années 70. Les touristes qui passaient place Colette les soirs de représentations de Cyrano étaient tout étonnés de voir ces deux magnifiques chevaux sortir de leur van pour entrer dans un théâtre !

André Brunot campait un Cyrano tout en rondeur... Pas très grand, un peu enrobé, il était un Cyrano plein d'humanité... J'ai connu aussi Denis d'Inès dans le rôle ; avec lui, la représentation durait vingt minutes de plus... Il prenait son temps ! Et Marie Bell était une magnifique Roxane... Ah les Sociétaires ! Quelle admiration, quel respect nous avions pour eux... Lorsqu'on les croisait dans l'escalier, on s'écrasait contre le mur pour les laisser passer, mais eux étaient parfaitement courtois, amicaux même souvent. Dans le petit foyer où nous attentions tous notre entrée en scène, nous bavardions sans que soit marquée la distance entre ces immenses comédiens souvent aussi vedettes de cinéma, et les apprentis que nous étions.

Rideau sur la jeunesse
Et puis est arrivé le 12 mars 1940. Il n'y avait qu'une vingtaine de spectateurs dans la salle... mais des milliers d'Allemands s'approchaient, ils venaient d'entrer en Belgique... Deux ans plus tard, ma classe a été appelée ; j'ai pris le maquis avant d'être fait prisonnier... Des mois de camps de concentration d'où je suis revenu malade... Je n'ai pu reprendre le métier que dans les années 50...

J'ai fini par retrouver la santé... Et suis devenu un professionnel de tous les métiers du théâtre : régisseur, éclairagiste, metteur en scène France et en Italie, directeur d'une Maison de la culture à Argenteuil... Je suis un des derniers à avoir vécu la grande époque de Saint-Germain des Près... J'ai même tenté d'apprendre le solfège à Barbara ! Car la musique a été la grande affaire de ma vie : j'ai composé des dizaines de chansons et de mélodies, surtout pour des émissions de radio et de télévision destinées aux enfants. J'ai même écrit celles de quatorze épisodes des aventures de Tintin !

de Brunot à Barma
Cyrano reste un grand et beau souvenir. Qui s'est prolongé dans les années 60 alors, que grand ami avec Françoise Christophe - nous le sommes toujours -, je l'aidais à apprendre son rôle de Roxane qu'elle allait tourner avec Daniel Sorano sous la direction de Claude Barma.

Je reste attaché à la Comédie Française, une maison où j'ai conservé de nombreux amis, et où je participe, chaque année, à la cérémonie du souvenirs aux comédiens anciens combattants aujourd'hui disparus.

Voilà, cher ami, quelques souvenirs épars d'un Cadet de Gascogne du siècle passé...

Ndlr : Cette rencontre a pu avoir lieu grâce à un ami commun, Jean-Claude Chemin. Merci à lui.



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Publié le 02 / 10 / 2007.


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