C'est un très émouvant cadeau que nous fait Jean-Paul Rebour en nous racontant comment Cyrano est entré dans sa vie... pour ne plus jamais en partir. Jean-Paul habite aujourd'hui un petit village près de Montpellier.
D'où me vient cette passion cyranesque,me demandez-vous ; mon Dieu, c'est si loin tout ça !
C'est un matin de printemps,sur la route de Chambéry au lac du Bourget;un matin de 1944 ! J'ai donc 9 ans ! Depuis Novembre 43 les Allemands occupent la Savoie et mon oncle, ancien combattant 14-18 qui m'élève, ronge son frein. Mécanicien arlésien "exilé" (le travail se prend là où il se trouve) loin de sa Camargue, il subit très mal cette occupation.
Et sur cette route, en ce matin, comme tous les dimanches, lui sur son vélo, moi dans une carriole arrimée derrière, nous allons à la pêche sur le lac ; et comme tous les dimanches nous croisons des camions "d'occupants" s'élève alors, à pleine voix, ce que je crois être une poésie inventée par mon oncle :
"Ce sont les poilus de l'Argonne
Venant,ma foi,de très,très loin
De l'Hérault,des Bouches du Rhône
Foutre la rouste aux fridolins"
que,bien sûr, je reprends en choeur!
Et voilà ! Le soir même je lisais le texte de Rostand.
Beaucoup plus tard, pour le centenaire, j'ai retrouvé dans une exposition à la mairie du 6° à Paris des paroles à peu près identiques de triolets inventés en Avril 1915.
J'ai 71 ans ! Et je dois dire que Cyrano ne m'a pratiquement pas quitté depuis ce printemps 44. Je l'ai lu et relu à le savoir par coeur (et à gêner mes voisins au théâtre !!) tant de fois ; je l'ai vu et revu (oh, Sorano !). J'ai même écrit un "parcours de lecture"... le manuscrit, inachevé est toujours dans mes cartons.
Oh, je le connais le Savinien ! Cela fait bien 60 ans que je l'admire, lui
pardonne tout, le critique, le comprends de mieux en mieux, ne cesse de
l'aimer. J'ai essayé de transmettre cette amitié profonde à mes filles, à mes petites filles. Ce n'est pas facile, mais c'est toujours riche en
enseignements. Si Roxane entendait ce que pensent d'elle des petites filles de 6° en 2006 ! Et si Cyrano entendait leurs encouragements à "y aller", il n'y aurait plus de pièce... et ce serait grand dommage !
Voilà , cher ami ; du fond de ma mémoire sont venus des souvenirs. Je vous remercie de les avoir faits ressurgir.