Cyrano de Vergebraque
La Tirade des nez à la mode San-Antonio
Le nez, dit-on, est un milieu de visage. Mais lorsque le nez se trouve plus bas et par [? devant] , lorsque Rostand laisse la place à un San-Antonio délirant, digne confrère, la truculence verbale demeure, mais le vocabulaire change...
« [?] faudrait le talent branleur d'Edmond Rostand pour célébrer la chose. La tirade du n?ud, mes fils !
- Bath, hein ? fait Béru, mi-chagrin mi-orgueilleux.
- Bath ? reprends-je. Ah non, le terme est un peu court, bonhomme, si l'objet ne l'est point. On pourrait dire, ô dieux, bien des choses en somme? En variant le ton. Par exemple, tiens. Agressif : « Moi, monsieur si j'avais une telle trique, il faudrait sur-le-champ que je me la sciasse ! » Amical : « Mais elle doit traîner sur vos godasses ! » Descriptif : « C'est un soc !? c'est un stick !? c'est un braque ! Que dis-je, c'est un braque ? C'est un très gros bidule ! » Curieux : « A quoi sert cet énorme pendule ? A battre la mesure ou à tanner des peaux ? » Gracieux : « Aimez-vous à ce point les tonneaux que, fort puérilement vous vous imaginâtes, avec un tel bâton, les changer en barattes ? » Truculent : « Ca, monsieur, lorsque vous dégainez, à un poste d'essence vous nous faites songer ! Ou bien encore à un conduit de cheminée ! » Prévenant : « Attention à vous arc-bouter car il ne faudrait pas briser une telle gaule ! » Tendre : « Comme elle doit aimer la gaudriole, ne la vouez pas à des cavités profanes ! » Pédant : « Seul l'éléphant, charriant dans les savanes entre ses deux défenses, le nez de Cyrano, pourrait passer, monsieur, pour votre alter ego ! » Cavalier : « Ben, mon pote, lorsque ce machin gode, je n'hasarderais pas mon cul sur la commode ! » Emphatique : « Avec ce phallus monumental, vous possédez un beau bâton de maréchal ! » Dramatique : « Vous voici, mon ami, logé à belle enseigne ! » Lyrique : « Un mât si fier résiste aux aquilons ! » Naïf : « Seigneur, est-ce un pylône, ou un pilon ? » Respectueux : « Permets, qu'on te salue, Béru. Car tu possèdes un zob qu'on n'avait jamais vu ! » Campagnard : « Nom d'bon gu, qu'est-ce c'est-t-y qu'c'machin ? Faudra un ben grand four pour cuire un si gros pain ! » Militaire : « Sacrebleu ! Mais vous êtes dans l'génie ! » Pratique : « Et ça complète toujours votre vessie ? Vous avez des grolons à la place des grelots ! » Enfin, pour achever d'aussi longs trémolos : « Le voilà donc, ce n?ud qui, du tronc de son hêtre écorce le vernis ! Il fait au moins six mètres !? »
Voilà , mon vieux Béru, ce que tu m'aurais dit, si tu avais le cerveau aussi gros que le vit ! »
Appelez-moi Chérie, San-Antonio, 1972, Fleuve Noir Police n° 965 ; pp. 144-145, « Chapitre (sûrement) onzième » ; (n°97 dans la collection « S.-A. »)
Tirade seule reprise sous l'entrée « Cyrano de Vergebraque » dans Mes Délirades (morceaux choisis), San-Antonio, 1999, éditions Fleuve Noir ; pp. 87-88
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FRANCE
Ludovic Diamant-Berger
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Publié le 25 / 06 / 2005.
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