La place et le rôle du psychiatre.
Un pastiche de la Tirade du nez.
Le vicomte de Valvert
Vous autres les psychiatres, vous êtes tous bizarres.
Cyrano
Bizarre, bizarre ? Bizarre ! vous avez dit bizarre ?
Le vicomte de Valvert
Oui !
Cyrano
C'est tout ?
Le vicomte de Valvert
Mais !
Cyrano
Ah! non! C'est un peu court jeune homme
On pouvait dire... Oh Dieu bien des choses en somme.
En variant le ton, par exemple tenez :
Préoccupé : Est-ce qu'un labeur acharné
Vous permet de franchir la barrière des esprits ?
Pouvez-vous pénétrer, j'en serais très surpris,
Les pensées intimes de vos interlocuteurs,
Et vous conduire ainsi comme un affreux voleur ?
Curieux : d'Esculape désirez vous rester
Le disciple? Préférez-vous plutôt tempester
Contre la médecine et nous parler sans cesse
De la philosophie comme de la seule sagesse ?
Révolutionnaire: Comme en soixante-huit
Les étudiants hostiles qui écrivaient la nuit
Sur les murs de nos facs: Psychiâtres, Chimiâtres,
Appartiennent tous au même clan des Friquiâtres.
Envieux : De pouvoir vous prétendez n'avoir
Que celui qu'on vous prête, vous dites ne vouloir
De celui qu'on vous donne officiellement,
Pour mieux utiliser l'autre officieusement.
Descriptif : Quelle est donc votre clientèle ?
Les patients, chez qui les problèmes s'amoncellent ?
Les membres des équipes qui sans cesse se querellent ?
Où sont-ce vos soucis qui ici se démêlent ?
Vindicatif : Les psys monsieur, quelle folie,
Prolifèrent comme une véritable chienlit,
Quel fléau, partout, tels des rapaces, ils s'immiscent.
D'une prise de pouvoir, en sont-ce les prémices ?
Littéraire : Qu'est-ce donc la psychothérapie ?
Un rasant bavardage de marchand de tapis ?
Une science efficace de grande qualité
Et dont l'utilité n'est plus à démontrer.
En fait tous ici sont des psychothérapeutes,
Et, sans le vouloir; ils rejoignent la meute
De ceux qui, en prenant exemple sur l'illustre
Monsieur Jourdain, font de la prose depuis des lustres
Sans s'en apercevoir. Pour le réaliser
Il a fallu Balint qui a pu démontrer
Que le médicament le plus utilisé
C'est pour sûr le médecin, sans qu'on sache le doser.
Reconnaissant : Sans votre art, tous ces malheureux
Remplis de désespoir qui sont bien trop peureux
Pour affronter la vie rechercheraient la mort,
Refusant les soucis, nous laissant le remord.
Interrogatif : De quelle prescription
Pouvez-vous justifier ? Les rééducations
Ne sont pas absorbées, comme toutes les drogues,
Avec passivité, un peu de psychologue
Vous ne pouvez prescrire, que si le technicien,
Si compétent soit-il, veut y mettre du sien.
Anxieux : Des prétentions très hégémoniques
De la psychanalyse, qui sur tout applique
Sa grille de lecture, il faut se méfier
En gardant du bon sens et ne pas trop s'y fier.
Campagnard: Bé moi j'cré bin qu'ces drôles de coucous
Qui soignent les fous sont bin plus fous qu'leurs fous.
Faut s'méfier, la dinguerie c'est comme la p'tite vérole,
Rud'ment contagieux, y passent tous à la casserole.
"Voilà ce qu'à peu près mon cher vous m'auriez dit,
Si vous aviez eu un peu de lettres et d'esprit.
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atôme,et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d'ailleurs l'invention qu'il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries
Me servir toutes ces plaisanteries,
Que vous n'en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d'une, car
Je me les sers moi-même avec assez de verve
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve."
Bel exercice de style, merci Patrice !