Andrey Grigoriev est l’auteur d'un livre original, composé de quatre traduction en russe et d'une riche iconographie.
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« Cyrano de Bergerac, quatre traductions » d'Andrey Grigoriev
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Pour ceux qui aiment les chiffres, ce bel ouvrage est l’aboutissement heureux de la passion qu'Andrey Grigoriev voue à Cyrano depuis 1976, et le fruit d'un projet porté pendant 3 ans.
Dans ses 728 pages, il a réuni 4 traductions russes de la pièce de Rostand, et 82 photos rares et/ou inédites qui retracent le chemin des différents Cyranos avec lesquels le public russe a fait connaissance de 1941 jusqu'à 2005. Tentons de présenter ces traductions de la manière suvante :
La plus éditée - celle de Tatiana Shchepkina-Kupernik (1898);
La plus souvent mise en scène - celle de Vladimir Solovyov (1938);
La jamais éditée auparavant - celle de Iuri Eikhenwald (1964);
La plus récente - celle d’ElenaBaevskaya (1994).
Quelques « traîtres » russes de Cyrano
Traduttore, traditore disent les Italiens « Les traducteurs sont des traîtres. » Affirmation qui n’est pas tout à fait fausse car une traduction ne peut jamais respecter parfaitement un texte original et, souvent, la tentation est grande pour celui qui traduit de vouloir toujours "embellir" le travail de l’auteur. Alors que nous sommes assez loin aujourd’hui de l’époque où Babylone fleurissait encore, plaçons notre confiance en ces « traîtres de traducteurs ». Ainsi nous poursuivrons la lutte contre notre propre ignorance et pourrons découvrir des univers précieux avant qu’ils ne se perdent à jamais.
La toute première "trahison"
La toute première traduction en russe de Cyrano de Bergerac voit le jour en 1898 dans la revue Le Théâtre et l'Art et son auteur est le poète, écrivain et dramaturge Alexandre Fedorov (1868-1949).
La "Avec-la-permisson-spéciale-de M. Edmond Rostand"
Nous sommes toujours en
1898. Une jeune femme remarquable, âgée de 24 ans, douée d’un esprit vif et leste et d’une grande intelligence, amie personnelle d'Edmond Rostand, obtient de lui-même la permission de traduire la pièce. Elle s'appelle
Tatiana Lvovna Shchepkina-Kupernik (1874-1952). Alexandre Souvorin, le commanditaire de cette traduction, lui impose de la réaliser en dix jours ; il ne lui en faudra que huit, tout en prenant le temps d'ajouter au texte original des épithètes appropriées, des répliques entières et en s'autorisant à transformer le vocabulaire pittoresque des Cadets de Gascogne en une langue bien plus raffinée. Au cours des années qui suivent, Tatiana
Shchepkina-Kupernikreprend sa première version et poursuit son travail d'adaptation où l’image de Cyrano évolue progressivement pour devenir un véritable héros révolutionnaire.
Sa traduction
La plus souvent utilisée dans les théâtres
La troisième version , celle de
Vladimir Alexandrovich Solovyov (1907-1978) date de
1938. Solovyov entame son travail mû par le seul plaisir de traduire la pièce. Ecrite sur un beau rythme qui correspond bien à l'original, plus concise aussi, elle deviendra la version préférée des théâtres russes.
La "jamais-éditée-auparavant"
En 1964 le théâtre moscovite « Suvremennik » commande à Iuri Alexandrovich Eikhenwald (1928-1993) de réaliser une nouvelle traduction qui serait bientôt mise en scène. Eikhenwald l'effectue en étroite collaboration avec Igor Kvasha et Mihail Kozakov qui vont tour à tour interpréter le rôle de Cyrano sur les planches du « Suvremennik » (plus d’info sur le site). Cette traduction est considérée aujourd’hui comme la moins réussie et la moins fidèle à l’original. Elle devra d'ailleurs attendre le livre d’Andrey Grigoriev, Cyrano de Bergerac, quatre traductions, pour être éditée. En 47 ans, elle a été mise en scène environ cinq fois.
La plus récente
La traduction la plus récente est celle d’
Elena Vadimovna Baevskaya (née en 1953) de
1994. Elena Baevskaya pense qu’un bon traducteur investit son âme dans tout texte littéraire qu’il traduit. Elle effectue une version de
Cyrano de Bergerac hautement appréciée dans son pays pour sa maîtrise de la langue russe et pour être restée la plus proche possible de l’original et de la réalité française décrite par Rostand. A ce jour, cette version n’a pas encore été mise en scène.
© Nadejda Urumova