Le comte de Guiche est à la cour tout seul de son air et de sa manière, un héros de roman, qui ne ressemble point au reste des hommes notait Madame de Sévigné le 7 octobre 1671. Mais dans Cyrano, le comte de Guiche n'a pas bonne presse ; ce neveu de Richelieu use et abuse de son pouvoir.
Tout le monde s'est rendu compte que celui qui n'était en 1640 que le comte de Guiche est devenu en 1655 maréchal-duc de Gramont. Antoine III est né en 1604 et reçoit le titre de Comte de Guiche. Il est fait maréchal de France en 1641. Quatre ans plus tard, il devient Comte de Gramont, puis duc en 1648. Il meurt en 1678 après une vie riche et une carrière brillante.
Gentilhomme béarnais de très grande maison, il est le neveu par alliance du Cardinal de Richelieu puisqu'il a épousé sa nièce, Françoise de Chivré, en 1634 (voir I, 2, v. 130-131). Il a été successivement ou simultanément gouverneur, duc et pair, ministre d'Etat, ambassadeur extraordinaire, colonel des gardes françaises. Il est donc loin du bouffon ridicule que certaines mise en scène ont caricaturé, mais est plus proche de l'homme courageux et digne des actes IV et V.
Le même, dans Cyrano
Le poète Lignières l'a brocardé, dénonçant une
man?uvre sournoise ? Il lui envoie quelques voyous pour le bastonner à la porte de Nesles. Roxane lui plait et il la veut pour maîtresse ? Il s'arrange pour lui trouver un mari complaisant en la personne du duc de Valvert. Il veut se venger de Cyrano ? Il est prêt, sur le conseil habile de Roxane, à retenir le régiment des Cadets de Gascogne à Paris, contrevenant ainsi aux ordres écrits qu'il a reçu. Ces mêmes Cadets le brocardent à Arras ? Il les place au pire endroit de la bataille d'Arras... Seulement voilà , ce grand personnage de l'Etat a tout de même de la dignité, même quand il a faim :
Est-ce que vous croyez que je mange vos restes ? et, surtout, il
ne quitte pas une femme en danger. Une femme, ou Roxane ? Les deux peut-être bien, mais surtout Roxane dont il se pourrait bien qu'il soit vraiment amoureux. Sinon, pourquoi quinze ans plus tard, continuerait-il à aller à la voir en son couvent ? Pourquoi la préviendrait-elle du danger qui plane autour de Cyrano qu'il sait être son ami, plus encore que son cousin ? Pourquoi encore se confierait-il à elle avec autant de sincérité dans la confession ? Ces
mille petits dégoûts de soi, dont le total Ne fait pas un remord, mais une gène obscure... De Guiche, en vieillissant, retrouve un peu de cette humanité que les ors avaient recouverts...
De Guiche: J'eus le bon esprit de laisser couler à terre L'écharpe qui disait mon grade militaire...
Ce à quoi Cyrano lui rétorque, au siège d'Arras :
On n'abdique pas l'honneur d'être une cible. C'est ma foi vrai que De Guiche, en pleine bataille, a pris cette initiative, méprisée par Cyrano, mais efficace sur le terrain. On en trouve le récit dans les
Mémoires du maréchal de Gramont, comte de Guiche, écrites à la troisième personne du singulier :
« Le comte de Guiche se trouva enveloppé et entraîné dans l'escadron des ennemis lorsqu'il faisait sa caracole pour se reformer et revenir à la charge. C'est là où le comte de Guiche paya de présence d'esprit, et qu'il laissa tomber doucement son écharpe blanche pour n'être pas reconnu : il se mit au premier rang, et revint à la charge à la tête de son propre régiment, qui s'était reformé de même que celui de ses ennemis ; et Rouville qui le commandait, l'ayant reconnu, le dégagea d'avec les ennemis, et les battirent ensuite de manière que tout fut tué ou pris. Cette action est peut-être une des plus singulières et des plus heureuses qu'on ait encore vue à la guerre ».
Cyrano : Henri quatre N'eut jamais consenti, le nombre l'accablant, A se diminuer de son panache blanc
Le bataille d'Ivry, aux portes de Paris, le 14 mars 1590, opposa les Huguenots d'Henri de Navarre aux Ligueux du duc de Mayenne, frère du duc Henri de Guise assassiné quelques mois auparavant.
Afin de permettre à ses hommes de le suivre, Henri IV avait mis sur son cimier un panache fait de plumes blanches, plus aisément repérable dans la mêlée ; il dit à la noblesse qui l'entourait à la veille de la bataille : « Mes compagnons, Dieu est pour nous ! Nos ennemis sont les siens ! Ils sont deux fois plus nombreux que nous mais nous les vaincrons ! Si vous perdez vos cornettes, ralliez-vous à mon panache blanc : vous le trouverez sur le chemin de la gloire et de l'honneur ! ».
La bataille d'Ivry se solda pour les Huguenots par une victoire quasi miraculeuse car disputée à 11 000 contre 17 000. Le courage du futur roi ne fut pas étranger à cette victoire, chargeant à la tête de ses troupes pour mettre en fuite la cavalerie de Mayenne.