Accompagné de sa famille, Rostand arrive à Cambo, petite ville pyrénéenne, en novembre 1900.
Il goûte rapidement le charme du pays, qu'il compare au Luchon des étés de son enfance, Luchon où il rencontra Rosemonde Gérard. Au directeur du
Gil Blas, Pierre Mortier, qui lui demandait ce qu'il faisait dans ces montagnes alors que l'Académie française l'attendait, Rostand répondit par la lettre suivante, qui est en outre un sonnet de la plus belle eau.
Ce que je fais, monsieur ? Des courses dans les bois,
A travers des ronciers qui me griffent les manches ;
Le tour de mon jardin sous les arceaux de branches,
Le tour de ma maison sur un balcon de bois.
Lorsque les piments verts m'ont donné soif, je bois
De l'eau fraîche, en prenant la cruche par les hanches ;
J'écoute, lorsque l'heure éteint les routes blanches,
Le soir plein d'Angélus, de grelots et d'abois.
Ce que je fais ? Je fais quelquefois une lieue
Pour aller voir plus loin si la Nive est plus bleue ;
Je reviens par la berge? Et c'est tout s'il fait beau.
S'il pleut, je tambourine à mes vitres des charges ;
Je lis, en crayonnant des choses dans les marges ;
Je rêve, ou je travaille.
Edmond Rostand, Cambo.
Rostand montera quand même à Paris le 30 mai 1901 pour son élection triomphale à l'Académie Française.
Le musée Rostand
Le domaine de Rostand, Arnaga, a été racheté par la ville de Cambo qui le transforma en un musée Rostand. Jean Rostand revint une dernière fois sur les lieux de son enfance en 1962, à l'occasion de l'inauguration. Qu'un touriste vienne la visiter ou qu'un pèlerin vienne y présenter ses hommages, il sera accueilli à l'imposante porte de la maison, dessinée par Rostand, par un quatrain gravé qui, loin des éclats cyraniens, invite au silence et au recueillement :
Toi qui vient partager notre lumière blonde
Et t'asseoir au festin des horizons changeants
N'entre qu'avec ton c?ur, n'apporte rien du monde
Et ne raconte pas ce que disent les gens.
Et en 1935, Rosemonde Gérard écrit :
« Hélas ! Edmond Rostand mourut loin de ce jardin qu'il aimait tant. Et le jardin d'abord dut s'étonner, et l'attendre, et l'appeler ; puis se faner? et refleurir encore en l'attendant toujours.
Mais les saisons pourront refleurir et chanter sans cesse et inventer sans cesse des fleurs et des oiseaux, le grand Jardin d'Arnaga ne connaîtra plus jamais que des étrangers? Car ceux qui l'ont connu si plein de gloire et de lumière, ceux qui laissé trop de morceaux de vie accrochés à ses branches, ceux qui l'on t trop respiré pour pouvoir l'oublier, ne voudront jamais le revoir ! »
Edmond Rostand, Rosemonde Gérard, 1935, Paris, Fasquelle Editeurs, page 202.